Dans la Chaleur de la Nuit

Un film de Norman JEWISON

Sortie en salles : 9 mai 2012
Visa n°33602
Etats-Unis, 1967 | 109 min. / Couleur / 1.85 / Mono
Les droits d'exploitation de ce film sont échus

Virgil Tibbs est un officier de police noir, du nord des …tats-Unis. En visite dans une petite ville du sud où la plupart des habitants sont fortement racistes, il se retrouve impliqué dans une enquête sur un meurtre.

Dans la Chaleur de la Nuit - Affiche

— Galerie

Norman Jewison - Cinéaste engagé

D’origine canadienne, Norman Jewison suit des études de lettres et de musique, avant de travailler comme acteur et scénariste à Londres. Il écrit ensuite des pièces radiophoniques pour la radio canadienne, puis signe un contrat avec Universal : il tourne alors quatre comédies assez banales, comme The Thrill of it All (1963), avec Doris Day, et The Art of Love (1965), avec James Garner.

Mais c’est avec Le Kid de Cincinnati (1965), où il dirige Steve McQueen, qu’il se fait connaître. Trois ans plus tard, il retrouve la star pour L’Affaire Thomas Crown, polar salué par la critique et le public. Avec Dans la chaleur de la nuit (1967), il montre son engagement politique et décroche cinq Oscars, dont ceux du meilleur film et du meilleur acteur. Mal-aimé de la critique, souvent injuste avec lui, Jewison poursuit son exploration des tares de l’Amérique : il fustige la violence dans le film d’anticipation Rollerball (1975), les collusions entre le syndicalisme et la mafia avec F.I.S.T. (1978), les dysfonctionnements du système judiciaire dans Justice pour tous (1979) et, une fois encore, la discrimination raciale dans A soldier’s Story (1984).

Capable de passer d’un genre à l’autre, le cinéaste s’est aussi essayé à l’adaptation de spectacle musical (Un violon sur le toit, 1971, ou Jésus-Christ Superstar, 1973) et à la comédie romantique (…clair de lune, 1987). Mais c’est le drame humaniste qui l’inspire davantage, comme en témoigne Un héros comme tant d’autres (1989), où il aborde les séquelles laissées par la guerre du Vietnam.

Sidney Poitier - Un symbole

Première star noire à s’imposer dans un monde de blancs, Sidney Poitier a permis à toute une génération de comédiens afro-américains de faire carrière à Hollywood.

Après plusieurs petits boulots, il fait ses débuts à Broadway après la guerre. Remarqué par Joseph L. Mankiewicz, il tourne dans La Porte s’ouvre (1950), œuvre visionnaire autour du racisme, puis dans Graine de violence (1955) de Richard Brooks qui aborde la violence à l’école. Trois ans plus tard, il est de nouveau à l’affiche d’un thriller abordant les tensions raciales, La Chaîne de Stanley Kramer, mais aussi de l’adaptation de Porgy and Bess signée Otto Preminger. En 1963, il décroche l’Oscar du meilleur acteur pour Le Lys des champs de Ralph Nelson, devenant ainsi le premier comédien noir à remporter une telle distinction.

Acteur engagé, il n’a de cesse d’utiliser le cinéma pour combattre le racisme et les préjugés : après Dans la chaleur de la nuit (1967) de Norman Jewison, il enchaîne avec la comédie grinçante Devine qui vient diner (1967) de Stanley Kramer. Critiqué par une partie de la communauté noire qui lui reproche d’être trop “lisse” et policé, il se détourne du métier d’acteur et passe derrière la caméra. Il réalisera sept longs métrages, dont Buck et son complice (1972) et Uptown Saturday Night (1974).

S’il se fait plus rare sur les écrans à partir des années 80, il est aujourd’hui ambassadeur à l’UNESCO et se consacre à la défense des droits de l’homme.

Rod Steiger - Le boulimique d'Hollywood

Grâce à ses personnages au caractère bien trempé, Rod Steiger a n’a jamais laissé personne indifférent, et surtout pas les cinéastes qui l’ont dirigé. De Sur les quais (1954) d’Elia Kazan au Prêteur sur gages (1964) de Sidney Lumet et à Dans la chaleur de la nuit (1967) de Norman Jewison, qui lui vaut un Oscar, ce comédien prolifique n’a jamais cessé de tourner jusqu’à sa disparition en 2002.

Après un passage dans l’armée, il se produit dans de nombreuses pièces de théâtre diffusées en direct à la télévision. Révélé par son rôle de syndicaliste corrompu dans Sur les quais — pour lequel il décroche une première citation à l’Oscar —, il enchaîne avec Le Grand couteau (1955) de Robert Aldrich, Le Jugement des flèches (1957) de Samuel Fuller, ou encore Main basse sur la ville (1963) de Francesco Rosi.

Son rôle de rescapé de la Shoah dans Le Prêteur sur gages, qui lui vaut le prix d’interprétation au festival de Berlin, bouleverse le public et enthousiasme la critique. Désormais, Rod Steiger figure parmi les acteurs les plus recherchés d’Hollywood. On le retrouve dans Le Docteur Jivago (1966) de David Lean, Lucky Luciano (1974) de Francesco Rosi, Luke la main froide (1975) de Stuart Rosenberg et dans The Chosen (1981) de Jeremy Kagan, où il est parfaitement crédible en rabbin hassidique. Malgré ses problèmes de santé, il multiplie les apparitions, d’AmericanGothic (1988) de John Hough à Calendrier meurtrier (1989) de Pat O’Connor et The Player (1992) de Robert Altman, où il campe son propre rôle. S’il se tourne désormais davantage vers le petit écran, on le retrouve encore dans Mars Attacks ! (1997) de Tim Burton, La Fin des temps (1999) de Peter Hyams, Hurricane Carter (2000) — où il retrouve le réalisateur de Dans la chaleur de la nuit — et Braquage à l’américaine (2001) de Sönke Wortmann, un an avant sa mort.

Dans la chaleur de la nuit - Polar racial

Tourné trois ans à peine après l’adoption de la loi sur les droits civiques, mettant fin — du moins en théorie — au régime de ségrégation raciale, Dans la chaleur de la nuit prouve formidablement que le cinéma engagé peut s’exprimer à travers un film de genre — en l’occurrence, un polar. Dès les premiers plans, le protagoniste, campé avec élégance et retenue par Sidney Poitier, est l’objet d’un délit de faciès : alors qu’il attend le train pour rentrer chez lui, il est arrêté et traité sans ménagement par un flic obtus et raciste qui le soupçonne de meurtre. Le ton est donné : l’antagonisme entre l’expert en criminologie noir et les policiers de la petite ville, tous blancs, structure la narration et donne la mesure du racisme ordinaire qui caractérisait une grande partie des …tats-Unis vers la fin des années 60.

Pour autant, l’intelligence de Jewison, cinéaste progressiste, consiste à renvoyer dos à dos les préjugés des deux personnages principaux. Car si Gillespie, joué avec gourmandise par Rod Steiger, est d’abord aveuglé par la couleur de la peau de Virgil Tibbs, celui-ci n’est pas exempt d’idées préconçues et affiche même un certain dédain à l’égard des policiers qu’il considère ostensiblement comme des “ploucs”. À cet égard, la confrontation entre la distinction de Tibbs et la rusticité de Gillespie est éloquente, tout comme leur maniement de la langue anglaise. Mais les deux hommes apprennent peu à peu à se connaître et à surmonter leurs préjugés, sans que cette évolution ait jamais rien d’artificiel.

Rythmé par la partition jazzy de Quincy Jones et la chanson de Ray Charles, le film nous plonge dans une atmosphère moite suggérée par le titre qui accentue le climat malsain de cette petite ville du Sud. Et pourtant, Dans la chaleur de la nuit a été tourné dans l’Illinois car les acteurs noirs n’étaient pas en sécurité dans le “Deep South”. À croire que les thématiques abordées courageusement par Norman Jewison pouvaient encore heurter les consciences dans l’Amérique de L.B. Johnson. Une audace qu’Hollywood a récompensée en décernant l’Oscar du meilleur film à cet opus qui n’a pas pris une ride.