Thunderbolt & Lightfoot

Un film de MICHAEL CIMINO

Sortie en salles : 19 janvier 2011
Visa n°43132
États-Unis, 1974 | 1h55 | Couleur, 1/2,35
Les droits d'exploitation de ce film sont échus

Le braqueur de banque John Thunderbolt se lie d’amitié avec Lightfoot, un jeune aventurier. Ensemble, ils décident de récupérer un magot d’un demi-million de dollars que Thunderbolt avait planqué dans une vieille école. Mais celle-ci a été détruite.

Le premier film du réalisateur Michael Cimino, avec Clint Eastwood et Jeff Bridges.

Thunderbolt & Lightfoot - Affiche

MICHAEL CIMINO : cinéaste maudit

Après des études de théâtre et d’architecture à Yale, Michael Cimino fait ses armes en réalisant des publicités et des films d’entreprise. En 1971, il s’installe à Hollywood, où il écrit Silent Running , fable écologique signée Douglas Trumbull. Trois ans plus tard, il réalise son premier long métrage, Le Canardeur , en s’inspirant très librement d’un film des années 50, Captain Lightfoot , qui l’a marqué dans son enfance. Il passe ensuite trois ans à préparer Voyage au bout de l’enfer (1978), saga lyrique et intimiste autour de la guerre du Vietnam. Enorme succès commercial, le film remporte cinq Oscars (dont celui du meilleur film), malgré une réputation sulfureuse.

Convaincu que Cimino est l’homme de la situation, le studio United Artists lui donne carte blanche pour tourner un projet des plus ambitieux : vaste épopée de 40 millions de dollars — budget pharaonique pour l’époque —, La Porte du paradis (1980) est une œuvre contemplative qui dérouta totalement le public. Mutilé par les producteurs et éreinté par la critique américaine, ce faux western est resté dans toutes les mémoires comme le film “maudit” qui entraîna dans sa chute le studio et limita la liberté de création de toute une génération de cinéastes.

Cinq ans plus tard, Cimino fait son retour avec L’Année du dragon , thriller violent sur fond de mafia chinoise.Grâce au succès du film, et à la prestation hallucinante de Mickey Rourke, le réalisateur tourne deux films de commande : Le Sicilien (1987), La Maison Des otages (1990), intéressant remake d’un thriller de William Wyler, et Sunchaser (1995), son dernier film à ce jour. On murmure que Cimino travaille depuis plusieurs années à l’adaptation de La Condition humaine de Malraux…

CLINT EASTWOOD : star iconoclaste

Avec son statut d’icône et ses airs de beau gosse au teint buriné, Clint Eastwood s’est rapidement imposé comme star, mais est plus longtemps resté méconnu pour ses talents de réalisateur. Après avoir débarqué à Hollywood dans les années 50, il multiplie les petits rôles, puis se fait connaître grâce à la série Rawhide . En trois westerns spaghetti signés Sergio Leone, il se hisse même au rang de vedette internationale. Peu après, il fonde sa maison de production, Malpaso, qui produit Pendez-les haut et court (1968), énorme succès au box-office. S’il incarne le célèbre Inspecteur Harry , aux méthodes expéditives, il réalise à la même époque Un frisson dans la nuit (1971), Breezy (1973), L’Homme des Hautes plaines (1973) ou encore Bronco Billy (1980), où sa sensibilité affleure. Car il est toujours là où on ne l’attend pas …

S’inspirant de Don Siegel et Sergio Leone, qui ont toujours su mêler lyrisme et sobriété de la narration, il signe des oeuvres d’un beau classicisme comme Impitoyable (1992), qui remporte l’Oscar du meilleur réalisateur, Un monde parfait (1993) et Sur la route De Madison (1995), où il partage l’affiche avec Meryl Streep. Passant d’un genre à l’autre avec aisance, il témoigne d’une grande pudeur, sans jamais verser dans le sentimentalisme. Il réalise ensuite Minuit dans le jardin du bien et du mal (1997), Space Cowboys (2000) et, surtout, Mystic River (2003), sombre méditation sur la violence et la vengeance d’après Dennis Lehane.

Cinéaste à part entière, Clint Eastwood en ferait désormais presque oublier qu’il est aussi un immense comédien. Il s’illustre ainsi dans son superbe Million Dollar Baby (2004), où son rôle d’entraîneur de boxe jusqu’auboutiste émeut le public. Sans pathos, ni afféterie, Eastwood metteur en scène remporte quatre Oscars… dont celui du meilleur réalisateur et du meilleur film !

Enfant de la guerre, le cinéaste signe ensuite un diptyque sur la Bataille d’Iwo Jima : le point de vue américain est relaté dans Mémoires de nos pères (2006), tandis que laperspective japonaise donne lieu au sombre Lettres d’Iwo Jima (2006). Après L’Echange (2008), film d’époque profondément féministe interprété par Angelina Jolie, il tourne Gran Torino (2008), réflexion funèbre sur le vieillissement et l’intolérance qui devient son plus grand succès planétaire. Admirateur de Nelson Mandela, il tourne ensuite Invictus (2009) en confiant le rôle du grand leader sud-africain à son ami Morgan Freeman. On attend avec impatience son prochain film, Hereafter , tourné en grande partie en France…

JEFF BRIDGES : le "Dude"

Fils d’acteur, Jeff Bridges fait ses débuts, très jeune, dans une série télé interprétée par son père… Mais il s’impose surtout dans La Dernière séance (1971) de Peter Bogdanovich, qui lui vaut une citation à l’Oscar. Trois ans plus tard, il est de nouveau nommé pour cette prestigieuse distinction pour son rôle dans Le Canardeur (1974) de Michael Cimino — qu’il retrouvera pour La Porte du paradis , en 1980.

Si sa carrière s’essouffle un peu au début des années 80, il renoue avec le succès grâce à Starman (1985) de John Carpenter et Susie et les Baker Boys (1989) de Steve Kloves, où il partage l’affiche avec son frère Beau et Michelle Pfeiffer. Tournant avec les plus grands cinéastes, de Francis Ford Coppola à John Huston, il fait une prestation remarquée dans Fisher King (1991) de Terry Gilliam, aux côtés de Robin Williams. Mais c’est surtout sa création du “Dude”, sorte de parasite sympathique et nonchalant, dans The Big Lebowski (1998) des frères Coen, qui le rend culte.

A l’aise dans le thriller — Arlington Road (1999) de Mark Pellington — et dans le film politique — Manipulations (2000) de Rod Lurie —, il témoigne de son éclectisme en se produisant également dans une saga familiale comme Pur Sang, la légende de Seabiscuit (2003) de Gary Ross ou dans l’ambitieux Tideland (2005) de Terry Gilliam. S’il multiplie les apparitions, de Ironman (2008) de Jon Favreau aux Chèvres du Pentagone (2009) de Grant Heslov, il n’est jamais aussi bon que dans les rôles de loser bohème : son interprétation du musicien en perte de vitesse dans l’émouvant Crazy Heart (2010) de Scott Cooper lui vaut d’ailleurs l’Oscar du meilleur acteur tant attendu…

THUNDERBOLT & LIGHTFOOT : la balade sauvage

Pour son tout premier long métrage, Michael Cimino a signé un road-movie attachant qui allie humour déjanté et nostalgie pour une Amérique en train de disparaître. D’un côté, un vétéran de la guerre de Corée pas franchement jovial, et de l’autre, un jeune chien fou, tout feu, tout flamme : autant dire que le tandem risque de faire des étincelles ! Jouant avec intelligence sur leurs contrastes, Cimino s’approprie les codes du buddy-movie et du film de casse. Car on éprouve une véritable jubilation à voir les deux personnages entreprendre un “dernier coup” et apprendre à se supporter pour nouer finalement des liens d’amitié. Malicieux, le cinéaste s’est surtout amusé à affubler Eastwood, tout droit sorti de la saga de L’Inspecteur Harry , d’une sorte de baba-cool aux tendances hippie, formidablement servi par Jeff Bridges : la rencontre entre le justicier solitaire, partisan de la méthode forte, et le chantre de la contre-culture est irrésistible ! Mais c’est aussi la preuve que Clint Eastwood avait une bonne dose d’autodérision… Evoquant souvent Easy Rider ou Macadam Cowboy , le film dégage un sentiment de liberté dans sa construction et sa réalisation qu’on voit rarement au cinéma. L’alternance audacieuse entre travellings et plans-séquences et les images somptueuses — mais jamais esthétisantes — des vastes étendues de champs à perte de vue et des sommets montagneux du Montana donnent au film une ampleur romanesque inattendue. Les deux protagonistes changent de voiture quand bon leur semble, draguent quelques filles faciles lorsqu’ils en ont envie et évoquent des coups à venir — en totale liberté. Réfractaires à l’autorité, ils incarnent un anarchisme sympathique, caractéristique des années 70. Pour autant, le constat de Cimino est amer. Car l’Amérique est en train de changer et l’individualisme forcené prend le pas sur la solidarité. Près de 25 ans plus tard, Jeff Bridges retrouvera, avec The Big Lebowski des frères Coen, un personnage de doux rêveur libertaire, très proche du Lightfoot qu’il interprète ici. Mais en un quart de siècle, l’époque a radicalement changé …