Les Duellistes

Un film de Ridley Scott

Sortie en salles : 20 octobre 2010
Les droits d'exploitation de ce film sont échus

Deux lieutenants de l’armée napoléonienne, d’Hubert et Féraud, vont poursuivre une querelle pendant quinze ans à travers toute l’Europe et se provoquer régulierement en duel.

Le premier film de Ridley Scott, avec Keith Carradine et Harvey Keitel.

Les Duellistes - Affiche

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Ridley Scott : lE génie de l'éclectisme

Né en 1937, en Angleterre, il fait ses débuts comme décorateur de plateau pour la BBC, avant de réaliser plusieurs feuilletons. Il crée ensuite sa propre société de production grâce à laquelle il signe des publicités particulièrement inventives. En 1977, il passe au long métrage avec Les Duellistes, qui décroche le prix du Jury du meilleur premier film au festival de Cannes, puis réalise Alien deux ans plus tard, œuvre marquante de la science-fiction. En deux films seulement, Scott impose son sens visuel et sa maîtrise de la narration.

En 1982, il s’attelle à Blade Runner, adaptation d’un roman de Philip K. Dick. Mais les producteurs, qui jugent le film trop complexe et le dénouement exagérément sombre, imposent au cinéaste d’ajouter une voix-off et une fin plus optimiste. Echec public et critique à sa sortie, le film bénéficiera d’un “director’s cut” dix ans plus tard et s’imposera comme une œuvre majeure du genre.

Dans les années 80, Scott tourne un film fantastique, Legend (1986), avec Tom Cruise, et un polar Black Rain (1989), avec Michael Douglas, mais c’est avec Thelma et Louise (1991), road-movie audacieux avec Geena Davis et Susan Sarandon, que le réalisateur renoue avec le succès. Malheureusement, il enchaîne ensuite avec une saga épique, 1492 : Christophe Colomb (1992), qui s’avère être un échec retentissant. Les films qui suivent ne sont guère plus brillants : ni Lame de fond (1996), ni A armes égales (1998), ne suscitent l’enthousiasme. Ridley Scott se détourne alors de la réalisation pour se consacrer à la production des films de son frère Tony, spécialiste du cinéma d’action.

En 2000, Ridley Scott fait un retour très remarqué avec Gladiator, péplum d’une étonnante modernité. Produit pour 100 millions de dollars, cette épopée humaniste décroche 5 Oscars — dont celui du meilleur film — et triomphe au box-office dans le monde entier. Un an plus tard, le cinéaste poursuit sur sa lancée avec Hannibal, suite très attendue du Silence des agneaux, dont l’atmosphère glaciale et l’étude psychologique du génial psychopathe contribuent au succès planétaire.

Eternel touche-à-tout, Scott poursuit son exploration des genres, passant sans difficulté de la comédie policière — Les Associés en (2003) — à la fresque historique — Kingdom of Heaven en 2005 — et au thriller politique — Mensonges d’Etat (2008). Sa dernière production, Robin des Bois (2010), toujours avec Russell Crowe, a été projetée en ouverture au dernier festival de Cannes. Il tournera prochainement Le Meilleur des mondes, avec Leonardo Di Caprio.

Harvey Keitel : aNtihéros à la trogne patibulaire

Avec son accent typique de Brooklyn et son air de bulldog, Keitel s’est d’abord imposé comme un formidable truand aux petits pieds dans les films de Martin Scorsese. Une sorte de James Cagney des temps modernes.

Né en 1939 à New York, il sert dans les Marines avant de suivre les cours d’art dramatique de Lee Strasberg et Stella Adler et de se produire sur scène. Grâce à une petite annonce, il a la chance de rencontrer Scorsese qui le dirige dans Who’s That Knocking at My Door (1969). Cinq ans plus tard, ils se retrouvent sur Mean Streets, puis refont équipe avec Alice n’habite plus ici (1974) et Taxi Driver (1976). Il change totalement d’univers pour se plonger dans l’époque napoléonienne avec Les Duellistes (1977) de Ridley Scott.

Mais sa carrière subit un coup d’arrêt lorsqu’il n’est pas retenu pour Apocalypse Now de Francis Ford Coppola. Contraint de tourner dans des films mineurs tout au long des années 80, il connaît un retour inespéré au début de la décennie suivante : policier sympathique dans Thelma et Louise (1991) de Ridley Scott, il incarne surtout un flic déjanté dans le superbe polar métaphysique Bad Lieutenant (1992) d’Abel Ferrara. Sensible à l’univers de Quentin Tarantino, alors débutant, il accepte de jouer dans Reservoir Dogs (1992).  Un an plus tard, il prouve qu’il peut changer de registre en campant un homme vulnérable et romantique dans La Leçon de piano de Jane Campion, Palme d’Or à Cannes.

Mais il revient à ce qu’il affectionne le plus : des rôles de gangsters endurcis et d’hommes que la vie n’a pas ménagés. Il est ainsi à l’affiche de Pulp Fiction (1994) de Quentin Tarantino, Palme d’Or à Cannes, Clockers (1995) de Spike Lee et Copland (1997) de James Mangold. Il n’est pas absent des blockbusters hollywoodiens, puisqu’il enchaîne U-571 (2000), Dragon rouge (2002), et Benjamin Gates et le trésor des Templiers (2004). Il ne néglige pour autant pas le cinéma d’auteur, y compris européen, puisqu’il a donné la réplique à Emmanuelle Béart dans Un crime (2006) de Manuel Pradal. Sans conteste, Harvey Keitel est l’une des dernières “gueules” du cinéma américain.

Keith Carradine : dIscrète élégance

Issu d’une famille de comédiens, Keith Carradine suit les cours de théâtre de la Colorado State University, mais abandonne au bout d’un semestre car il a le sentiment de ne rien y apprendre. Il fait ensuite ses débuts dans la comédie musicale psychédélique Hair qui triomphe à Broadway.

En 1971, il tourne son premier film, John McCabe, sous la direction de Robert Altman qu’il retrouve pour Nous sommes tous des voleurs (1974) et surtout Nashville (1975), dont il compose la chanson I’m Easy récompensée par un Oscar. Après avoir affronté Harvey Keitel dans Les Duellistes (1977) de Ridley Scott, il tombe amoureux de Brooke Shields dans La Petite (1978) de Louis Malle.

A partir des années 80, il délaisse le cinéma et travaille davantage pour le petit écran, inscrivant son nom au générique d’une vingtaine de téléfilms en une quinzaine d’années. Ce qui ne l’empêche pas de choisir ses rôles au cinéma : fidèle de Robert Altman dans les années 70, il devient naturellement l’acteur fétiche d’Alan Rudolph qui se définit souvent comme le fils spirituel de l’auteur de MASH. Carradine est ainsi à l’affiche de Welcome to LA (1976), Choose me (1984), le magnifique Wanda’s Café (1985), The Moderns (1988) et Mrs Parker et le cercle vicieux (1994).

Avec sa dégaine longiligne et son élégance patricienne, il continue de se produire dans les séries les plus populaires, de Numb3rs à Crash et Dexter.

Les Duellistes : spectral

Quand Ridley Scott s’attelle à son premier long métrage, il a quelque 2000 spots publicitaires à son actif et vingt ans d’expérience comme cadreur et réalisateur. Pour s’éviter les difficultés liées aux droits d’adaptation, souvent coûteux, il se met en quête d’un livre tombé dans le domaine public : il choisit une nouvelle de Joseph Conrad, elle-même inspirée de faits réels. Avec un budget inférieur à 1 million de dollars — un vrai défi pour une reconstitution historique —, Scott met à profit son ingéniosité et son sens de la mise en scène : il tourne en décors réels, entre la France, l’Angleterre et les Highlands d’Ecosse, et suggère la violence des combats par des plans évocateurs qui ne nécessitent pas des centaines de figurants.

Le résultat est époustouflant : récit d’une obsession allant jusqu’à l’absurde, Les Duellistes dégage une force quasi mystique dans la quête tragique de ces deux hommes, poussés par l’honneur dans une rivalité à mort dont ils finissent par ignorer les motivations… Loin des productions hollywoodiennes en costumes, souvent empesées, le film de Ridley Scott fascine par sa beauté visuelle et l’invention constante de la mise en scène. Comme dans Barry Lyndon, les intérieurs, éclairés à la bougie, semblent surgir du passé et convoquent la puissance picturale d’un Vermeer. Symétriquement, la brume quasi spectrale des extérieurs qui enveloppe les personnages souligne leur solitude et contribue à les confronter à leurs démons intérieurs. Sans oublier la terrible campagne de Russie, où les hommes luttent péniblement contre le froid polaire, qui fait du film un somptueux chant funèbre.

Alors que le réalisateur souhaitait au départ confier les deux rôles principaux à Michael York et Oliver Reed, il accepta d’engager des comédiens américains en échange d’un financement de la Paramount. Pour une fois, la volonté du studio était la bonne : si Keith Carradine apporte à son personnage une élégance et une humanité qui renforcent son mystère, Harvey Keitel est terrifiant en officier constamment imprévisible, prêt à sombrer dans la folie à chaque instant. Prix du premier film au festival de Cannes, Les Duellistes impose d’emblée Ridley Scott comme un cinéaste majeur. L’année suivante, il signe Alien