Bullit

Un film de Peter Yates

Sortie en salles : 5 juillet 2006
Visa n°35268
Titre original : "BULLIT" | Etats-Unis - 1968 - 113 min. - Format 1:1,85 - Couleur - Son stéréo
Les droits d'exploitation de ce film sont échus

Bullitt, un lieutenant de police, est chargé par un politicien ambitieux de protéger Johnny Ross, un gangster dont le témoignage est capital dans un procès où est impliqué l’homme politique. Malgré les précautions prises par Bullitt et ses hommes, Ross est grièvement blessé, puis achevé sur son lit d’hôpital. Bullitt s’aperçoit alors que la victime n’était pas le vrai Ross…

Bullit - Affiche

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Bullit : trois fois Steve McQueen

Bullitt, c’est d’abord Steve McQueen : visage impassible à la Bogart et Burberry’s beige négligemment posé sur l’épaule, il affiche l’insolence de ceux qui ne doutent de rien tout en revendiquant une inébranlable intégrité. Au volant de sa Ford Mustang Fastback, il crève littéralement l’écran.

Bullitt, c’est encore Steve McQueen puisque c’est la star qui, après avoir apprécié Trois milliards d’un coup (1967) de Peter Yates, confia la réalisation du film au cinéaste britannique.

Et Bullitt, c’est toujours Steve McQueen car le film entra immédiatement dans la légende grâce à une poursuite en voiture mémorable à travers les rues de San Francisco : le comédien exigea de piloter lui-même son bolide pouvant atteindre les 200 km/heure. Une séquence qui nécessita quand même trois semaines de tournage… et la pleine collaboration du maire de la ville. Ce dernier en fut d’ailleurs remercié : la star finança la construction d’une piscine dans un quartier défavorisé de San Francisco.

Formidablement rythmé, Bullitt est également resté célèbre pour son réalisme, qui tranchait avec les productions du genre à l’époque. Tourné en décors naturels — une condition posée par Peter Yates avant de signer son contrat —, ce film d’action survolté exercera une influence sur plusieurs polars des années 70, comme la série des Inspecteur Harry ou le formidable French Connection (1972) de William Friedkin. Désormais, la voiture est un nouveau facteur de violence dans le cinéma américain.

Mais Bullitt ne serait probablement pas devenu une oeuvre culte sans les tempos inimitables de Lalo Schifrin : mieux que n’importe quel dialogue, ils nous font partager les sentiments par lesquels passe l’inspecteur tout au long de son enquête. Au final, rien d’étonnant à ce qu’un tel cocktail de talents ait fait de Bullitt un film particulièrement rentable : produit pour 4,5 millions de dollars, il en rapporta 19 millions…

Lalo Schiffrin à propos de Bullit

Peter Yates a aimé ce que j’ai fini par appeler par la suite « Jazz Meets the Symphonie », ce mélange de jazz et de Ravel. …tant à l’époque impressionné par le travail de Pierre Henry — sa variation pour une porte et un soupir, c’est de la musique de film ! — j’ai pu aussi convaincre Peter, sans lui parler directement de musique concrète, d’accompagner lui-même sa poursuite avec uniquement le son des voitures. Pourtant, il était parti sur l’idée d’une orchestration dans un premier temps. Le morceau « Shifting Gears » correspond à la séquence de la filature, mais pas à la course poursuite qui lui succède et qui se finit par le crash de la voiture noire dans la station-essence. Selon moi, c’était inutile car il allait y avoir beaucoup d’effets sonores, des bruits concrets comme ceux des moteurs de la Mustang et de la Dodge. J’ai écrit la musique de la filature dans un tempo lent favorisant l’expression du suspense. La tension monte, monte… Quand Steve McQueen enclenche la vitesse, après s’être retrouvé derrière la voiture qui le filait, la poursuite commence. C’est là que j’ai choisi d’interrompre la musique. J’ai eu beaucoup de succès avec Bullitt et L’Inspecteur Harry, si bien que j’ai commencé à être catalogué comme compositeur “d’action urbaine”. Combien de poursuites j’ai pu écrire ! Je me sens responsable de la démolition de tellement de voitures. Certaines nuits, je ne peux pas en dormir.

Extraits de Lalo Schifrin. Entretiens avec Georges Michel, Pertuis, Rouge Profond, coll. « Raccords », 2006

Peter Yates, un pilote de F1 aux commandes

Quand on sait que l’Anglais Peter Yates, né en 1928, a été coureur automobile et même cascadeur de cinéma, on ne s’étonnera pas que Steve McQueen, lui-même passionné de Formule 1, l’ait sollicité pour réaliser le film… Metteur en scène de théâtre au début des années 60, il tourne son premier long métrage, Vacances d’été, en 1962. Après des débuts hollywoodiens fracassants avec Bullitt, il se partage entre des films d’action menés tambour battant, comme Les Quatre malfrats (1972) et Les Grands fonds (1977), et des oeuvres plus personnelles, comme La Guerre de Murphy (1971) et Délit d’innocence (1990). Surtout, en 1984, il réalise L’Habilleur, portrait d’un interprète de Shakespeare vieillissant, qui s’avère une réflexion passionnante et poignante sur le théâtre et le métier d’acteur. Comme pour ses meilleurs films d’action, c’est encore le réalisme qui prime : “Chacun des comédiens a une longue expérience du théâtre, et c’est ce savoir collectif qui nous a permis d’atteindre à une représentation véridique. Albert Finney, par exemple, n’aurait pu réussir sa scène de maquillage s’il n’avait vécu un tel rituel,” explique le cinéaste. Pour autant, Peter Yates reste marqué par sa réputation de solide artisan, maîtrisant parfaitement les techniques de mise en scène. Comme l’indiquent Bertrand Tavernier et Jean-Pierre Coursodon dans 50 ans de cinéma américain, “Il a du métier, de l’adresse, parfois même du brio. Son éclectisme, son goût pour les sujets porteurs n’excluent pas l’exigence.” Une exigence artistique qu’on retrouve intacte dans des projets aussi différents que John et Mary (1969), chronique sentimentale d’une grande liberté de ton, et Suspect dangereux (1987), polar politique audacieux tourné en décors naturels à Washington.

Steve McQueen, rebelle au coeur tendre

Dans la lignée d’acteurs comme James Dean, Marlon Brando et Paul Newman, Steve McQueen incarne une figure de rebelle solitaire vivant selon ses propres principes. Né en 1930, il s’engage dans les Marines pendant trois ans, avant de se tourner vers le théâtre. Après un passage à l’Actor’s Studio, il accepte de jouer un chasseur de primes dans un feuilleton télévisé, Au nom de la loi, qui lui assure une notoriété immédiate. C’est avec Le Kid de Cincinnati (1965) de Norman Jewison qu’il devient une star. Il enchaîne alors une série de films à succès, comme L’Affaire Thomas Crown (1968) de Norman Jewison, Le Guet-Apens (1972) de Sam Peckinpah et Papillon (1973) de Franklin Schaffner. Son personnage de dur au visage imperturbable, mais incorruptible, fait de lui l’une des valeurs sûres d’Hollywood. Il disparaît prématurément à l’âge de 50 ans.

Jacqueline Bisset, la classe, un point c’est tout

Cette ravissante Anglaise née en 1944 fait ses débuts au cinéma dans un film culte du cinéma britannique, Le Knack… ou comment l’avoir de Richard Lester en 1965. Mais c’est Bullitt qui l’impose comme star internationale. Tournant aussi bien en Europe qu’aux Etats-Unis, elle est à l’affiche de plusieurs chefs d’oeuvre comme La Nuit américaine (1973) de François Truffaut, Riches et célèbres (1981), tout dernier film de George Cukor, Au-dessous du volcan (1984) de John Huston et La Cérémonie (1995) de Claude Chabrol. D’une élégance peu commune, elle est l’incarnation d’une certaine image de l’éternel féminin.

Robert Vaughn, l’homme de marbre

Comme il le dit lui-même, Robert Vaughn “a passé son temps à être bien payé pour être constamment frustré… ” Le comédien est pourtant bien sévère avec lui-même, car il a malgré tout imposé sa présence glaciale dans plusieurs films, comme Bullitt ou Superman 3. Né en 1932 à New York, il étudie le journalisme, puis les sciences politiques. Il commence sa carrière par de petits rôles, avant de décrocher une citation à l’Oscar pour Ce monde à part (1959) de Vincent Sherman. Il incarne ensuite l’un des Sept mercenaires (1960) de John Sturges, mais se fait surtout connaître du grand public grâce à son interprétation de la série télé Des agents très spéciaux. Un peu boudé par les grands studios, il s’engage dans plusieurs actions politiques et publie un ouvrage sur la chasse aux sorcières à Hollywood au temps du maccarthysme, Only Victims, en 1972. Un geste fort que le monde du cinéma ne lui pardonnera jamais complètement…