Fric-frac

Un film de Maurice Lehmann

Sortie en salles : 26 décembre 2018
Visa n°1239
Les droits d'exploitation de ce film sont échus

Marcel est un brave garçon, employé de la bijouterie Mercandieu. La fille du patron rêve d’en faire son fiancé mais Marcel tombe sous le charme de Loulou, une aguicheuse qu’accompagne le nonchalant Jo, délinquant à la petite semaine. Voilà que Tintin, l’homme de Loulou qui fait un séjour en prison, a besoin d’argent. Loulou ambitionne alors un « fric-frac » chez le bijoutier Mercandieu.

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Fric-frac - Affiche

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Arletty - La gouaille ravageuse

Née en 1898 dans une famille modeste, Léonie Bathiat exerce plusieurs métiers — dont celui de mannequin — avant de débuter au théâtre des Capucines en 1920. Elle se produit ensuite dans des revues, sous le pseudonyme d’Arletty, pour “faire plus chic anglais “, selon ses propres termes.

Elle fait ses débuts au cinéma avec l’avènement du parlant dans La douceur d’aimer (1930) de René Hervil. Elle enchaîne plusieurs rôles insignifiants, puis se fait vraiment remarquer grâce aux Perles de la couronne (1937) et Désiré (1938) de Sacha Guitry. La même année, elle triomphe dans Hôtel du Nord de Marcel Carné, où sa réplique “Atmosphère, atmosphère, est-ce que j’ai une gueule d’atmosphère ?”, signée Henri Jeanson, devient l’une des plus célèbres de l’histoire du cinéma. Son personnage de Parisienne à la gouaille bien trempée et à la sensibilité parfois tragique s’impose rapidement. N’aimant pas être cantonnée à un seul registre, Arletty passe de la comédie avec Fric-frac (1939) au drame poétique avec  Les visiteurs du soir (1942) de Marcel Carné. Mais c’est surtout son rôle de Garance dans Les Enfants du paradis du même Carné, sorti en 1945, qui fait entrer la comédienne dans la légende

Accusée de collaboration à la Libération, elle ne remonte sur scène qu’en 1949. Au cinéma, elle se fait plus rare, mais ne renoue pas avec le succès d’avant-guerre. Victime d’un accident qui la frappe de cécité en 1962, elle se retire définitivement des écrans. Son personnage de femme libre aux accents de faubourg, mais jamais vulgaire, aura marqué l’histoire du septième art.

Michel Simon - Clochard céleste

Né à Genève, Michel Simon abandonne très tôt la charcuterie de son père et les études pour s’installer à Paris, où il exerce plusieurs petits métiers pour survivre. Rappelé sous les drapeaux en 1914, il se révèle un soldat indiscipliné et passe l’essentiel de son temps au cachot. Mais lors d’une permission, il admire Georges Pitoëff dans Hedda Gabler d’Ibsen : sa vocation est née.

Après avoir rejoint quelque temps la troupe du comédien, il retourne à Paris et triomphe sur scène dans le rôle de Cloclo dans Jean de la Lune de Marcel Achard aux côtés de Louis Jouvet. Parallèlement, il débute au cinéma dans plusieurs films muets, où la mobilité de son visage et la virtuosité de ses expressions lui valent l’admiration du public. À l’arrivée du parlant, il enchaîne les chefs d’œuvre comme La Chienne (1931) et Boudu sauvé des eaux (1932) de Jean Renoir ou encore L’Atalante (1934) de Jean Vigo, où son jeu mêle habilement démesure et tendresse. Sans oublier les inoubliables Drôle de drame (1937) et Quai des brumes (1938) de Marcel Carné.

Après-guerre, il atteint des summums d’ambiguïté dans Panique (1946) de Julien Duvivier ou La poison (1951) de Sacha Guitry. Parfois cruel ou énigmatique, il est profondément humain dans Austerlitz (1959) d’Abel Gance. Tournant sous la direction des plus grands cinéastes, cet irréductible anarchiste aura joué dans une centaine de longs métrages et une cinquantaine de pièces de théâtre. Il s’éteint en 1975 après s’être illustré dans un ultime rôle de clochard dans L’ibis rouge (1975) de Jean-Pierre Mocky.

Fernandel - Le comique au grand cœœur

Né en 1903, Fernand Joseph Désiré Contandin est très tôt plongé dans l’univers du music-hall : dès l’âge de cinq ans, il se produit en grognard dans le spectacle Marceau ou les enfants de la République ! Exerçant plusieurs métiers pour gagner sa vie, il forme un tandem comique avec son frère Marcel. Mais en 1926, il est engagé à l’Odéon de Marseille et triomphe dans l’opérette Le Cavalier Lafleur. Deux ans plus tard, il monte sur les planches à Bobino, à Paris. C’est alors qu’il est remarqué par le cinéaste Marc Allégret qui lui confie le rôle d’un chasseur dans Le Blanc et le noir (1930), d’après la pièce de Sacha Guitry.

Avec son sourire chevalin, son regard clair et sa diction savoureuse, il séduit rapidement le public. Révélant une sensibilité qu’on ne lui connaissait pas dans Angèle (1934) de Marcel Pagnol, où il campe un naïf au grand cœur, il refait équipe avec le réalisateur provençal dans Regain (1937), Le Schpountz (1937) et La Fille du puisatier (1940). Pourtant, il doit sa popularité à des œuvres comiques délurées, particulièrement appréciées pendant les années de crise, comme François Ier (1937), où il s’illustre dans la séquence du supplice de la chèvre et Raphaël le Tatoué (1938). Le succès est tel qu’entre 1938 et 1939, il reçoit près de soixante propositions de films !

À la Libération, il varie les genres, passant de l’humour grinçant de L’Armoire volante (1948) de Carlo Rim au mélodrame de Meurtres (1950) de Richard Pottier ou du Fruit défendu (1952) d’Henri Verneuil. Après le formidable Topaze (1950) de Marcel Pagnol, il s’illustre dans le polar L’Homme à l’imperméable (1956) de Julien Duvivier et le western parodique Dynamite Jack (1961) de Jean Bastia. Au début des années 50, Julien Duvivier lui offre le rôle de don Camillo dans le premier volet d’une saga légendaire. En prêtre tiraillé entre sa foi et ses conflits avec le maire communiste de la ville, Fernandel connaît son plus grand triomphe. Le succès est encore au rendez-vous avec La Vache et le prisonnier (1959) d’Henri Verneuil. Fernandel disparaît en 1970, en plein tournage de Don Camillo et les contestataires.

Fric-Frac - Un trio pétillant

À revoir ce fleuron du cinéma français des années 30, on prend un plaisir indéfinissable. Car la qualité des dialogues et de l’interprétation, tout comme le sens du rythme, font de cette comédie légèrement satirique un vrai bonheur qui nous rappelle les classiques du tandem Marcel Carné-Jacques Prévert.

Tiré d’une pièce qui triompha trois ans plus tôt au Théâtre de la Michodière, Fric-Frac n’était pourtant pas parti sous les meilleurs auspices… En effet, Fernandel et Michel Simon, qui se donnaient ici la réplique pour la première fois, étaient à couteaux tirés et l’ambiance sur le tournage s’avéra délétère. Il fallut toute la bonne humeur d’Arletty pour jouer les arbitres et apaiser les conflits. Autant dire que les deux acteurs ne tournèrent plus jamais ensemble…

Par chance, l’atmosphère du film est à la bonne humeur et ne souffre pas de la mésentente entre les deux monstres sacrés. Sans doute parce que la magie du trio d’acteurs opère. Entre le verbe haut et la gouaille typiquement parisienne d’Arletty, la naïveté chevaleresque et la diction parfaite de Fernandel et la sympathique roublardise et le lyrisme inspiré de Michel Simon, le film offre à chaque acteur l’occasion de témoigner de son génie sans jamais surjouer, et surtout sans éclipser ses partenaires. Enchaînant les scènes d’une drôlerie parfois féroce, Fric-Frac joue formidablement sur le choc des cultures et des codes linguistiques. À cet égard, la première scène au bistrot où Arletty donne une leçon d’argot à Fernandel est tout bonnement savoureuse. Sans parler de la délicieuse balade à vélo qui se transforme rapidement en cours de séduction. En tous les cas, impossible de se demander ce que “s’emmouscailler” ou “jacter” veulent dire après avoir vu ou revu ce petit bijou !