LA DANSE DE MORT

Un film de Marcel CRAVENNE

Sortie en salles : 1 avril 2020
Visa n°4879
Pays : France 1948 | Langue : français | Format : 1:37 - Son mono - Noir et blanc | Genre : Drame | Durée : 88 minutes

Dans une forteresse pénitentiaire construite sur un îlot en mer adriatique, un commandant despotique et sa femme vivent liés autant par l’amour que par la haine, pendant que leur fille tombe amoureuse d’un prisonnier politique placé en détention.

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LA DANSE DE MORT - Affiche

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À PROPOS DU FILM

Dans ce huis clos carcéral, Marcel Cravenne propose une histoire d’amour et de haine où chacun sera tour à tour le bourreau, puis la victime.

Cravenne avait le talent de tout réunir pour la fascination du spectateur. Son parti pris sert ce huis clos trouble où se déchirent deux personnages avec l’intemporalité d’une tragédie grecque. Sans échappatoire possible, le cinéma est utilisé ici comme un microscope impitoyable qui fouille et fouille le décor autant, sinon plus, que les personnages, car la forteresse pénitentiaire est sans doute le personnage le plus important de ce drame de l’après-guerre. Elle est filmée sous tous les angles possibles et c’est comme si le spectateur lisait le roman de Strindberg en se glissant partout aux quatre coins de la forteresse. Le mérite de Cravenne est ainsi d’avoir su maintenir tout au long de son film un « ton » ou plutôt un « tempo » déterminé. Ce ton est ici donné par le bruit des flots roulant autour de la forteresse, par les appels de clairon, par le martèlement des bottes d’Eric Von Stroheim, le débit lent et saccadé de ses paroles et en même temps, par la simplicité voulue des cadrages, la répétition des mêmes plans, la décomposition du jeu des personnages.

Il faut dire aussi que Cravenne a été magistralement servi par Von Stroheim, également présent à la mise en scène et à l’adaptation des dialogues, qui trouve alors dans La Danse de mort « son meilleur rôle depuis vingt ans. Le romantisme de son interprétation aurait pu prêter à sourire ; il force l’admiration. » (Jean-Pierre Vivet, Combat, 10 novembre 1948). Inversement, d’après André Bazin, « Stroheim a trouvé pour la première fois depuis La Grande Illusion un metteur en scène qui ait su en tirer le meilleur et qui s’est employé, dans un respect à la fois intelligent et critique de son interprète, à faire réapparaitre sa personnalité profonde. » Bazin conclut : « Ceux qui se souviennent du Stroheim acteur et metteur en scène de Folies de femmes et de La Symphonie nuptiale auront à La Danse de mort un plaisir supplémentaire : celui de retrouver un des plus grands acteurs du monde égal à ce qu’il fut jadis » (Le Parisien Libéré, 8 décembre 1948).

ERICH VON STROHEIM

Né à Vienne le 22 septembre 1885, Erich Oswald Stroheim (dit Erich Von) grandit au sein d’une famille juive pratiquante et passe sa jeunesse dans un contexte socio-politique tendu : l’empire Austro-Hongrois connait alors un net regain d’antisémitisme.

Le 25 novembre 1909, il émigre aux Etats-Unis et s’installe à Hollywood en 1914. Il finit par décrocher à 30 ans un travail d’acteur-figurant-cascadeur sur le film fleuve de D.W. Griffith, Naissance d’une nation, en 1915. Apprenant sur le tas les ficelles du métier, il devient l’année suivante assistant-réalisateur de Griffith pour son autre chef-d’œuvre, Intolérance. De Griffith, Stroheim tiendra tout au long de sa carrière d’acteur-réalisateur un goût prononcé pour la démesure, un vrai souci du réalisme et du détail authentique, le sens de l’intimisme, le goût du risque et d’entreprendre (il s’endettera pour financer ses films). Fantasque, parfois mégalomane, admiratif de l’ordre incarné par la vieille aristocratie austro-prussienne, du sens du devoir, de l’honneur, il s’invente un personnage en accord avec ses idées : il se dit alors aristocrate, ex-lieutenant de Dragons, né Erich Oswald Hans Carl Maria Von Stroheim, fils d’un colonel de l’armée impériale et d’une dame d’honneur de l’impératrice Elizabeth d’Autriche. Il est “l’homme que vous aimerez haïr”, selon sa propre expression.

En 1917, avec For France, un film de propagande, il incarne un officier prussien rigide, hautain et jouisseur. A peine deux ans plus tard, il signe sa première réalisation : Maris aveugles. Dès ce premier film, ses thèmes fétiches sont manifestes : l’argent, le sexe et l’infirmité.

En 1924, il signe pour le compte de la MGM un de ses chefs-d’œuvres mutilés, Les Rapaces, où il dépeint l’avilissement et la destruction des rapports humains autour d’un billet de loterie gagnant changeant le destin d’un groupe d’individus. Dans La Veuve joyeuse (1925), il détourne l’opérette viennoise pour brosser le tableau d’une cour royale peuplée d’infirmes, de fétichistes, d’obsédés sexuels et de monarques dégénérés. Entraînant presque systématiquement avec lui un parfum de scandale, Stroheim suscite l’ire des ligues de vertu et, à l’exception de Maris aveugles et La Veuve joyeuse, tous ses films seront en partie censurés. Lassés par son anticonformisme et jugé trop intenable, les studios finissent par le chasser en 1928. Il n’a alors pas d’autre choix que de mettre de côté sa carrière de réalisateur, au profit de celle d’acteur.

Après avoir cosigné le scénario des Poupées du diable de Tod Browning, il émigre en France où il est très apprécié. En 1937, il campe devant la caméra de Jean Renoir un extraordinaire commandant (et aristocrate) allemand portant une minerve, dans La Grande illusion, où il donne la réplique à une éblouissante brochette d’acteurs dont Pierre Fresnay et Jean Gabin. Il se fait remarquer dans Macao, l’enfer du jeu (1939), puis commence à jouer des rôles d’hommes résignés avant de rentrer aux Etats-Unis lorsqu’éclate la Seconde Guerre Mondiale.

Prenant la place de Boris Karloff le temps d’un remplacement dans la pièce Arsenic et vieilles dentelles qui se joue à Broadway en 1942-1943, Stroheim incarne sous la direction de Billy Wilder le Maréchal Rommel dans le film de guerre Les Cinq secrets du désert. Puis il joue le Professeur Franz Mueller dans The Lady and the Monster de George Sherman (1944), avant La Danse de mort en 1948, où il est aussi dialoguiste et scénariste et où il endosse encore le rôle du méchant officier.

En 1950, il retrouve Billy Wilder qui lui demande d’interpréter Max Von Mayerling dans le mythique Boulevard du crépuscule. Dernier grand rôle au cinéma pour lequel il obtient la seule citation à l’Oscar de sa carrière, il y interprète un ex-metteur en scène devenu serviteur de Norma Desmond, une ancienne star de cinéma muet (jouée par Gloria Swanson) qui vit recluse dans sa villa de Sunset Boulevard. “Vous savez pourquoi vous avez été incompris ? Parce que vous aviez dix ans d’avance” lui déclare Wilder sur le tournage, en grand admirateur de l’acteur-réalisateur. Réponse de l’intéressé : “Non, vingt ans”. L’ironie, la cruelle lucidité parfois, et le réalisme : une constante chez Stroheim, qui s’éteint le 12 mai 1957 à l’âge de 71 ans, des suites d’un cancer.

Source de la biographie: Olivier Pallaruello

MARCEL CRAVENNE

Marcel Cohen, dit Marcel Cravenne, est un réalisateur, scénariste et monteur français, né le 22 novembre 1908 à Kairouan (Tunisie) et mort le 6 décembre 2002 à Paris.

Après avoir réalisé Sous la terreur (1935) et Un déjeuner de soleil (1937), et travaillé comme monteur sur Les Mystères de Paris de Félix Gandéra (1935) et Volpone de Maurice Tourneur (1940), il fuit l’occupation allemande et se réfugie à Hollywood. Il y devient l’assistant de Frank Capra et participe comme monteur à la série de films Pourquoi nous combattons, dont certains épisodes sont signés John Huston ou John Ford.

Après la guerre, il revient en France et réalise La Danse de mort (1947) d’après August Strindberg avec Erich von Stroheim et Jean Servais, dont il est également le scénariste, et Dans la vie tout s’arrange (1949).

Par la suite, il ne travaille que pour la télévision, notamment pour la série Les Enquêtes du commissaire Maigret, et réalise des téléfilms adaptés de grands romans, notamment David Copperfield de Charles Dickens (1964), Le Lys dans la vallée de Balzac (1970), ou encore L’Éducation sentimentale de Gustave Flaubert (1973).

Sa dernière réalisation est Ursule Mirouët, adaptée du roman de Balzac (1981).