PARLONS FEMMES

Un film de Ettore SCOLA

Sortie en salles : 27 août 2014
Visa n°28541
Italie,1964, 1h48

Un cavalier mystérieux fait escale dans une ferme isolée, un dandy urbain se fait passer pour un mari modèle, un prisonnier naïf se voit accorder une permission grâce aux stratagèmes de sa femme, un fils à maman pleutre est chargé de défendre l’honneur de sa sœur…huit sketches, ou autant de manières de rire des obstacles qu’hommes et femmes se plaisent à dresser entre eux.

PARLONS FEMMES - Affiche

Férocement drôle

Observateur incisif de ses contemporains, Ettore Scola donne le ton de sa filmographie dès son premier long métrage avec une étonnante maturité. Il faut dire qu’il n’a rien d’un débutant : après avoir été chroniqueur pour des journaux humoristiques, où il a peaufiné sa vivacité d’esprit et son sens incomparable du rythme, il a coécrit plusieurs scénarios pour de grands réalisateurs, comme Dino Risi et Mauro Bolognini. En s’attelant au film à sketches – auquel le cinéma transalpin des années 60 et 70 a donné ses lettres de noblesse –, Scola plonge sa caméra-scalpel au cœur de la société  italienne de son époque. Et esquisse, chemin faisant, un portrait aux multiples facettes de l’éternelle parade amoureuse que se jouent hommes et femmes depuis la nuit des temps.

En quelques plans à peine, le futur auteur d’Affreux, sales et méchants campe l’action et les enjeux de chacune de ses histoires : la silhouette d’un étrange cavalier solitaire semble faire peser une lourde menace sur une femme à sa fenêtre, un joyeux drille survolté s’amuse avec les passants dans un quartier animé de Rome, un chiffonnier pestant contre les “bourgeois” se laisse convaincre de monter chez une jeune élégante etc. Si, de toute évidence, Scola égratigne, avec une certaine tendresse néanmoins, le mâle italien, il compose une fresque protéiforme de la Femme : qu’elle soit Mère surprotectrice, Sœur déshonorée, Bourgeoise encanaillée, Prostituée au grand cœur, Puritaine affranchie, Épouse dévouée ou Future mariée, la “donna” est l’obsession constante des hommes qui gravitent autour d’elle. Tour à tour grandiose et pathétique, sublime et ridicule, Vittorio Gassman porte – littéralement – le film sur ses épaules en incarnant les différentes déclinaisons du masculin selon Scola. Il faut le voir en cavalier hiératique, tout droit sorti d’un western spaghetti, puis, l’instant d’après, en histrion citadin pour bien comprendre l’immense étendue de son talent.

Mais le génie du comédien, qui retrouvera le cinéaste à sept autres reprises, s’épanouit également grâce à la mise en scène inventive d’Ettore Scola. Après l’épisode “westernien”, très stylisé, du premier sketch, le réalisateur opte pour un filmage caméra à l’épaule d’inspiration documentaire qui plonge le spectateur au cœur des rues romaines grouillantes de monde. De même, il exploite brillamment les intérieurs – l’appartement de la prostituée ou celui de la bourgeoise – pour éclairer la personnalité de ses protagonistes. D’une grande cohérence thématique, Parlons femmes est aussi bien écrit qu’il est admirablement interprété et mis en scène, prouvant une fois encore la force incontestable de la comédie italienne.

Ettore Scola, le grand portraitiste de l'Italie moderne

Tout en étant reconnu comme l’un des maîtres de la comédie italienne de l’après-guerre, Ettore Scola s’est illustré dans d’autres genres avec élégance et sensibilité.

Il entame des études de droit, mais décide rapidement de se consacrer au journalisme : tout comme Fellini, il collabore à la revue satirique Marco Aurelio, avant de signer les scénarios du Fanfaron (1962) et des Monstres (1963) de Dino Risi. Un an plus tard, il passe à la réalisation avec Parlons femmes, réjouissant film à sketches autour des rapports hommes-femmes.

Après plusieurs comédies, il réalise Nous nous sommes tant aimés (1974), où il dépeint avec mélancolie l’évolution de l’Italie contemporaine à travers le parcours de trois amis, s’inspirant autant du néoréalisme que de la dolce vita des années 60. Dans Affreux, sales et méchants (1976), il épingle avec férocité les conditions de vie des bidonvilles de l’agglomération romaine, puis retrace la relation émouvante entre un homosexuel antifasciste (Mastroianni) et une femme au foyer (Sophia Loren) dans Une journée particulière (1977), situé à l’époque mussolinienne. Il clôt la décennie avec La Terrasse (1979), comédie où pointe une dénonciation au vitriol des effets du capitalisme sur la société italienne.

À partir des années 80, Scola tourne en dehors de son pays, et notamment en France : il signe La Nuit de Varennes en 1982 qui met face-à-face Casanova et Restif de la Bretonne en pleine Révolution française. Ou encore Le Bal (1983), mosaïque de petites vignettes évocatrices de l’histoire de France à travers la chorégraphie, le mime et la musique. Dans Macaroni (1985), Scola dirige Jack Lemmon et Mastroianni, tandis qu’avec La Famille (1987), le réalisateur fait de l’appartement d’une famille bourgeoise le microcosme de l’histoire italienne du XXème siècle. Un formidable éclectisme toujours marqué par un sens inné de l’observation des mœurs de ses contemporains.

Vittorio Gassman, le Magnifique

Comédien flamboyant et charismatique, Vittorio Gassman a occupé les écrans et la scène en Italie pendant plus de quatre décennies. Avec près de 70 films à son actif et une vingtaine de pièces de théâtre, il s’est imposé comme l’une des stars italiennes les plus connues au monde.

Né d’un père autrichien et d’une mère italienne, il intègre la prestigieuse Académie Nationale d’Art Dramatique et monte sur les planches dès l’âge de 21 ans. Après quelques petits rôles, il se révèle dans Riz amer (1949) de Giuseppe de Santis, où il campe l’amant de la sensuelle Silvana Mangano. Propulsé sur le devant de la scène grâce au film, il entame une carrière américaine, se produisant dans Rhapsody (1954) de Charles Vidor, avec Elizabeth Taylor, ou Guerre et paix (1956) de King Vidor.

De retour en Italie à la fin des années 50, il tourne sous la direction des plus grands cinéastes, de Dino Risi à Ettore Scola et Luigi Comencini. Truculent, hâbleur, émouvant ou inquiétant, il promène sa silhouette virile et son visage séduisant sur les écrans pendant tout l’âge d’or du cinéma italien.  En 1975, il obtient le prix d’interprétation au festival de Cannes avec Parfum de femme de Dino Risi qui marque un tournant dans sa carrière. On le verra encore dans La vie est un roman (1983) d’Alain Resnais, La Famille (1987) d’Ettore Scola et Oublier Palerme (1989) de Francesco Rosi. Il disparaît en 2000, à l’âge de 77  ans.