ZORBA LE GREC

Un film de Michael Cacoyannis

Sortie en salles : 25 février 2015
Visa n°30227
Pays: États-Unis, Royaume-Uni, Grèce | Format : noir et blanc - 1,85:1 - mono - 35mm | 1964 | Langue : anglais, grec | Genre : drame | Durée: 142 minutes

Basil, un jeune écrivain britannique, retourne en Crète pour prendre possession de l’héritage paternel. Il rencontre Zorba, un Grec exubérant qui insiste pour lui servir de guide. Les deux hommes sont différents en tous points : Zorba aime boire, rire, chanter et danser, il vit à sa guise alors que Basil reste empêtré dans sa bonne éducation. Ils deviennent cependant amis et s’associent pour exploiter une mine.

ZORBA LE GREC - Affiche

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Critique de A VOIR-A LIRE.COM :

Cet excellent long-métrage, devenu un incontournable du cinéma grec, est avant tout une formidable leçon de tolérance et une superbe histoire d’amour et d’amitié.

Bien plus qu’une visite guidée de la Crète, Zorba le grec est surtout la magnifique histoire d’amitié qui lie deux êtres totalement dissemblables. Autant Zorba est exubérant grâce à l’interprétation gargantuesque d’Anthony Quinn, autant Alan Bates joue avec pudeur un anglais coincé qui s’ouvre progressivement à la vie. Ce couple amical trouve un équivalent féminin avec d’un côté l’extravagante Lila Kedrova en Bouboulina (rôle d’anthologie pour lequel l’actrice a décroché un Oscar) et de l’autre, la sévère Irène Papas qui retrouve ici un emploi identique à celui qu’elle tenait dans Electre. Outre la force des sentiments qui lient ces quatre personnages décalés, Michael Cacoyannis décrit avec précision et en même temps une certaine répugnance, une société rurale totalement minée par les préjugés, par le rejet de l’autre et de tout ceux qui sortent de la norme. Ressemblant aux portraits de l’Italie du sud réalisés par les frères Taviani dans les années 60-70 ou encore par Emanuele Crialese dans Respiro, Zorba le grec milite à sa façon pour la tolérance.

Formidable succès à sa sortie, cette œuvre à la beauté formelle époustouflante a tellement marqué les esprits que la superbe musique du film (signée Mikis Theodorakis) est devenue un incontournable de la musique populaire grecque, tandis que le sirtaki (danse inventée pour le film) est devenue la danse la plus célèbre de Grèce, alors même qu’elle n’a rien d’authentique. Quelle meilleure preuve de l’impact du long-métrage sur l’ensemble du monde ?

ANALYSE : Le feu et la glace

Adapté d’une nouvelle de Nikos Kazantzakis, à qui l’on doit aussi La dernière tentation du Christ, Zorba le Grec s’inscrit dans la grande tradition des récits picaresques, où le protagoniste s’embarque, souvent malgré lui, dans une série d’aventures rocambolesques qui vont le faire grandir. Car, en débarquant en Crète pour prendre possession de son héritage paternel, Basil – qui incarne le regard du spectateur – ne se doute pas un instant de ce qui l’attend. Au cours d’une trajectoire puissamment initiatique, il fait l’expérience de l’amour, de l’amitié, de la violence et de la mort, comme si l’âme de la terre grecque, berceau de la tragédie occidentale, le traversait. Lui, cet Anglais glaçant et corseté par des codes victoriens d’un autre âge, s’ouvre peu à peu à la vie et à la puissance des émotions humaines. Il faut dire qu’il trouve un mentor extraordinaire en la personne de Zorba, sorte de Bacchus des temps modernes, qui l’initie aux plaisirs les plus simples – la danse, la nourriture, le sexe – et, partant, lui offre la possibilité de goûter à la passion. Aux antipodes de Basil, Zorba est un personnage rabelaisien, animé par une force tellurique et un élan vital indomptable, qui emporte tout sur son passage. Impossible de faire plier Zorba qui, malgré ses échecs, se relève toujours et se met à danser rageusement, comme pour défier la mort et la détresse. Habité par le rôle jusqu’à se confondre avec lui, Anthony Quinn évoque à la fois Falstaff, Tom Jones et Nijinski ! Solaire, il attire Basil et partage avec lui sa lumière. Mais c’est aussi un être complexe qui comporte sa part d’ombre : quand il révèle son drame personnel à son ami, il laisse entrevoir une vulnérabilité qu’on ne soupçonnait pas.

Lumineux et ténébreux à la fois, Zorba condense le propos du film qui exalte l’appétit de vie et jette, dans le même temps, un regard désillusionné sur la Grèce des années 60 et les rapports entre les sexes. Jouant sur les contrastes saisissants entre ombre et lumière, le cinéaste pointe l’oppression qui asphyxie la société et le regard archaïque sur le statut subalterne de la femme. Loin, très loin des clichés sur les paysages grecs paradisiaques, le film de Cacoyannis se rapproche par moments d’une tragédie classique, avec son enchaînement funeste de malheurs qui frappent les protagonistes. Rien d’étonnant quand on sait que le réalisateur, également metteur en scène de théâtre, a signé une adaptation d’Électre pour le grand écran deux ans plus tôt. La musique de Mikis Theodorakis, ample et mélodieuse, a largement contribué à la notoriété du film.

Si Anthony Quinn est époustouflant, il ne faut pas oublier Irene Papas, magnifique en veuve conspuée par ses contemporains, et surtout Lila Kedrova qui campe une courtisane extravagante, tour à tour sublime et pathétique, justement récompensée par un Oscar. La musique de Mikis Theodorakis, ample et nostalgique, a largement contribué à la notoriété du film et popularisé le folklore grec dans le monde entier. Sur un total de trois nominations aux Oscars, le film a décroché deux statuettes, dont une pour la photo inspirée de Walter Lassally.

Franck GARBAZ