TOMMY

Un film de Ken Russell

Sortie en salles : 13 février 2019
Visa n°44390
Royaume-Uni - 1975 | | 1h51 / Couleurs / 1,85 / Stereo

A la suite d’un choc psychologique brutal, Tommy est devenu sourd, muet et aveugle. Sa mère et son beau-père font tout pour le guérir. Mais en dehors d’une fascination pour les miroirs et les billards électriques, Tommy ne veut rien entendre. Jusqu’au jour ou sa mère le projette à travers un miroir. C’est le miracle, Tommy entend, voit, parle. C’est le nouveau Messie.

TOMMY - Affiche

— Galerie

TOMMY : Attention : OVNI cinématographique !

Adaptation baroque de l’opéra-rock des Who, Tommy est une vraie curiosité qui n’a perdu ni de son mordant, ni de sa dimension subversive. Croisement improbable entre le cinéma “en-chanté” de Jacques Demy, le musical hollywoodien et l’esthétique outrancière des années 70, le film de Ken Russell met en scène des personnages monstrueux et se prête à toutes les audaces formelles. Si Tommy commence comme le récit héroïque des exploits d’un aviateur anglais et de son histoire d’amour, il vire au cauchemar après la mort tragique du pilote vers la fin de la Seconde Guerre mondiale. Remariée à un homme sans scrupules, la veuve éplorée – mais pas pour longtemps – n’hésite pas à sacrifier son fils pour son confort personnel. Telle Lady Macbeth, elle trempe même dans un crime abject dont son petit garçon – Tommy – est le témoin involontaire et la victime collatérale. Désormais sourd, muet et aveugle, il incarne la mauvaise conscience du couple d’assassins dont on ne peut jamais se débarrasser. Et lorsque le garçon se révélera champion de flipper, le père adoptif y verra un moyen de s’enrichir à ses dépens. De la séquence de la fête foraine au défilé délirant des Marilyn, de la scène de l’Acid Queen et de son sarcophage érotico-monstrueux au concours de flipper, Tommy est une sorte d’orgie visuelle hallucinogène qui ne recule devant aucun excès – pour notre plus grand plaisir de spectateur-voyeur !

Mais ce bad trip psychédélique qui, mine de rien, traverse trente ans d’histoire de l’Angleterre fustige d’autres dérives d’une société malade : celles du consumérisme. On n’oubliera pas de sitôt la séquence où Ann-Margret, rivée à son poste de télévision, est littéralement bombardée par un flot d’images publicitaires plus obscènes les unes que les autres. Son téléviseur se met soudain à vomir de la mousse de détergent, puis des haricots blancs à la sauce tomate et enfin une sorte de mousse au chocolat visqueuse. Voilà la comédienne condamnée à se vautrer dans les produits de grande consommation vantés par la publicité ! Dans une sorte de délire fellinien, on pourrait même croire qu’elle se débat dans une montagne d’excréments, comme si elle était punie pour ses crimes.

Tommy est psychédélique, certes, mais aussi christique ! Car Ken Russell fait de son héros un Messie du rock’n’roll idolâtré par ses disciples … qui finiront pourtant par se retourner contre lui. Dénonciation d’une étonnante modernité des outrances de la célébrité, Tommy imagine même une nouvelle religion bâtie à la hâte autour de son gourou qui brûle bientôt ses idoles d’hier. Porté par la musique entêtante des Who et l’interprétation habitée de Roger Daltrey, leader du groupe, ce film ne cesse de nous fasciner, près de 45 ans après sa sortie.

OLIVER REDD : Un affreux charismatique

En quarante ans de carrière, Oliver Reed a tourné une soixantaine de films et s’est aussi fait connaître pour son goût immodéré pour l’alcool, les femmes et les rixes ! Autant dire qu’il avait l’étoffe pour camper les pires salauds qu’ait connus le cinéma anglais. Ce qui ne l’a pas empêché de tourner pour des cinéastes majeurs comme Ken Russell, Richard Lester et Michael Winner.

Né en 1938, il enchaîne d’abord les petits boulots avant de décrocher plusieurs rôles mineurs dans des films de la Hammer, célèbre studio de production spécialisé dans le cinéma de genre. En 1961, il se fait particulièrement remarquer avec le rôle-titre de La nuit du loup-garou, puis avec celui d’un assassin dans Oliver ! de Carol Reed – son oncle – sept ans plus tard. En 1969, il est à l’affiche de Love de Ken Russell où son affrontement dénudé avec Alan Bates a défrayé la chronique du cinéma anglais. Il tournera à cinq autres reprises sous la direction de Russell.

Oliver Reed a également marqué les esprits pour son interprétation inspirée d’Athos dans Les trois mousquetaires (1973) et On l’appelait Milady (1974) de Richard Lester. Malheureusement, il se compromet dans les années 1980 dans plusieurs productions commerciales sans grand intérêt. Heureusement, quelques cinéastes savent mettre son génie à profit, comme Terry Gillam dans Les aventures du baron de Münchhausen (1987) ou Milos Forman dans Larry Flynt (1996). Rien d’étonnant à ce que pour sa dernière apparition à l’écran – Gladiator (2000) de Ridley Scott –, la production ait dû recréer son double numérique suite à sa disparition à mi-parcours du tournage ! Sa mort aura été aussi spectaculaire que son parcours.

ANN MARGRETT : La femme affranchie

D’origine suédoise, Ann-Margret décroche un petit rôle dans l’ultime long métrage de Frank Capra, Milliardaire pour un jour, en 1961, avant de s’illustrer dans des rôles plus importants. Elle donne ainsi la réplique à Elvis Presley dans L’amour en quatrième vitesse (1964) puis à Steve McQueen dans Le Kid de Cincinnati (1965). Mais c’est dans une comédie douce-amère particulièrement subversive pour l’époque, Ce plaisir qu’on dit charnel (1971) de Mike Nichols, qu’elle marque les esprits. Son interprétation lui vaut une nomination à l’Oscar.

Au cours des années 70, elle incarne la femme sexy et affranchie. Mère indigne dans Tommy (1975) et croqueuse de diamants nymphomane dans Mon beau légionnaire (1977), elle tourne sous la direction de Claude Chabrol dans Folies bourgeoises (1976) et de Jacques Deray avec Un homme est mort (1972). Elle est encore remarquée pour Paiement cash (1986) de John Frankenheimer et une adaptation pour le petit écran d’Un tramway nommé Désir de Tennessee Williams.

Bien qu’elle ait ralenti le rythme des tournages, elle continue à être sollicitée par plusieurs réalisateurs. En 1999, on la retrouve devant la caméra d’Oliver Stone dans L’enfer du dimanche ou celle de Zach Braff dans Braquage à l’ancienne, aux côtés de Morgan Freeman, Michael Caine et Alan Arkin. Rien ne semble l’arrêter !

TEXTES : FRANCK GARBARZ