Tuez Charley Varrick

Un film de Don Siegel

Sortie en salles : 24 juillet 2013
Les droits d'exploitation de ce film sont échus

Tuez Charley Varrick - Affiche

Tuez Charley Varrick ! (1973) - Polar solaire

Réalisateur souvent déprécié, Don Siegel était pourtant un maître du cinéma de genre qui savait développer une dramaturgie avec des plans d’apparence très dépouillée et une véritable science du montage. Il suffit, pour s’en convaincre, de se souvenir de son chef d’?uvre de science-fiction L‘invasion des profanateurs de sépultures ou de ses polars A bout portant et L’inspecteur Harry. Dès la séquence d’ouverture de Charley Varrick, sans doute l’un des ses opus les plus méconnus, Siegel livre une formidable leçon de mise en scène : après un hold-up qui tourne au drame, les deux seuls malfrats qui en sortent indemnes foncent à travers le désert, puis font exploser leur véhicule, avant de se changer en tenues de travail et de regagner leur caravane pour se partager le butin. En quelques minutes à peine, le cinéaste campe les enjeux du récit, sans qu’un seul plan soit inutile, et donne le ton du film. Certes, il s’agit d’un thriller d’action, mais teinté d’ironie et marqué par la revanche du “petit” sur le “gros”. Car le protagoniste est un homme de l’ombre, simple pulvérisateur d’insecticides vivant dans un mobile-home, qui se contente de modestes larcins. Jusqu’au jour où il tombe sur une somme d’argent dépassant toutes ses espérances — sauf qu’elle appartient à la mafia… Tout en brouillant sans cesse les pistes et en nous donnant le sentiment que le crime organisé garde une longueur d’avance sur Varrick, Siegel organise l’espace comme un vaste terrain de jeu, où le manipulateur n’est pas forcément celui qu’on croit. Prostituées, revendeur d’armes, faussaire, ou simple banquier provincial — les personnages sont des pions que Varrick et son ennemi sans visage déplacent sur un échiquier grandeur nature avec maestria.

Déjouant encore les attentes et les codes du genre, le réalisateur ne situe pas l’action dans les ruelles sombres d’une métropole suffocante, mais dans les étendues désertiques inondées de soleil du sud-ouest américain. Si la plupart des intérieurs sont nimbés de lumière naturelle — à l’image de la banque ou de l’armurerie —, les deux scènes d’action qui ouvrent et concluent le film se déroulent en extérieurs, en plein jour. Loin de jouer avec les ombres portées d’inspiration expressionniste, Siegel opte pour un découpage ultra-rythmé et organise un affrontement par machines interposées : la voiture contre le biplan. Dans cet univers aux allures de polar rural, des personnages d’enfants ponctuent le film, comme des figures de l’innocence vouée à être bientôt dévoyée : une fillette qui demande au caïd de la mafia de la pousser sur une balançoire ou un petit garçon qui demande au shérif, blessé à la tête, s’il va mourir…

Mais le film doit beaucoup à la bonhomie et au tempérament flegmatique de Walter Matthau dans un rôle où on ne l’attendait pas. Lui qu’on a connu face à Jack Lemmon dans des joyaux de la comédie signés Billy Wilder incarne ici un type qui ne perd jamais son sang-froid, y compris dans les situations les plus inextricables. Sorte de contrepoint placide et drolatique au minéral Eastwood de L’inspecteur Harry, Matthau livre l’une de ses plus belles prestations et dévoile une facette peu connue de son talent.

Walter Matthau - Le cynique au grand cœur

Réputé pour ses rôles de types cyniques et acariâtres, Walter Matthau s’est taillé une place à Hollywood, alors qu’il était loin d’avoir le physique d’une star. Mais son charisme naturel et son talent pour la comédie, comme le drame, n’ont pas tardé à l’imposer pendant près de quatre décennies.

Originaire d’une famille pauvre d’immigrés juifs russes, il s’engage dans l’armée pendant la Seconde guerre mondiale, avant d’étudier le métier d’acteur et de faire ses débuts sur scène à Broadway au début des années 50. Il multiplie ensuite les seconds rôles au cinéma, en étant souvent cantonné dans des emplois de voyous ou de salauds, comme en témoignent L’homme du Kentucky (1955) de Burt Lancaster ou Bagarres au King Creole (1958) de Michael Curtiz.

Tandis que sa carrière semblait stagner, Matthau décroche le rôle du journaliste sportif Oscar Madison dans la pièce Drôle de couple (1965) de Neil Simon. Monté à Broadway, le spectacle consacre l’acteur. Il enchaîne ensuite avec La grande combine (1966) de Billy Wilder, formant pour la première fois un irrésistible tandem avec Jack Lemmon : l’alchimie entre la délicatesse de Lemmon et la langue acérée de Matthau fait mouche. On les retrouve ainsi dans l’adaptation sur grand écran de Drôle de couple (1968), signée Gene Saks, Spéciale première (1974) et Buddy Buddy (1981) de Billy Wilder, ou encore la saga des Grincheux dans les années 90.

Ce qui n’a pas empêché Matthau de poursuivre une carrière solo et de mettre à profit son délicieux cynisme, dans Plaza Suite (1971) d’Arthur hiller ou The Sunshine Boys (1975) de Herbert Ross. S’il se produit souvent dans un registre comique, on le voit néanmoins dans des polars comme Tuez Charley Varrick (1973) de Don Siegel ou Les pirates du métro (1974) de Joseph Sargent. Il fait une ultime apparition dans Raccroche ! (2000) de Diane Keaton, avant de s’éteindre à l’âge de 79 ans.

Don Siegel - L'efficacité en marche

D’abord archiviste à la Warner, Don Siegel gravit rapidement les échelons pour devenir monteur : il peaufine ainsi son inimitable sens du rythme, puis signe deux courts métrages oscarisés en 1945. Dès l’année suivante, il passe au long métrage avec The Verdict qui connaît un beau succès. Très vite, il s’impose comme un réalisateur efficace de films d’action et de polars. Après le western Duel sans merci (1952) et le film de prison ultra-réaliste Les révoltés de la cellule 11 (1954), il tourne l’un des sommets de la science-fiction des années 50, avec L’invasion des profanateurs de sépultures (1956) : inscrit dans le contexte de la guerre froide et de l’hystérie anticommuniste, le film a été perçu comme la métaphore d’une menace susceptible de s’infiltrer à tout moment au c?ur même du pays.

À partir des années 60, il passe d’un genre à l’autre, où il témoigne de son sens aiguisé de la narration et de la dramaturgie, qu’il s’agisse du western — Les rôdeurs de la plaine, en 1960 —, du film de guerre — L’enfer est pour les héros, en 1962 —, ou du polar — A bout portant, en 1964. Vers la fin de la décennie, il fait une rencontre décisive avec Clint Eastwood, qu’il dirige notamment dans Les proies (1970) et, bien entendu, dans L’inspecteur Harry (1971). Le personnage de l’inspecteur Harry Callahan, et ses méthodes musclées, déclenchent la polémique : l’acteur et le cinéaste sont accusés d’encourager l’autodéfense, ce qu’ils contestent fermement. Peu importe : Clint Eastwood s’impose en star absolue et s’inspire de son mentor pour devenir lui-même réalisateur.

Par la suite, Siegel dirige John Wayne dans Le dernier des géants, offrant au comédien mythique son dernier rôle, et poursuit sa collaboration avec Eastwood, comme en témoigne L’évadé d’Alcatraz (1979), formidable film carcéral particulièrement irrespirable. Le cinéaste disparaît en 1991, à l’âge de 78 ans. Clint Eastwood lui dédicacera son Oscar pour Impitoyable, l’année suivante.

Joe Don Baker - Flic ou voyou

Avec son physique de beau gosse un peu sauvage, Joe Don Baker s’est imposé sur le grand écran depuis son rôle — non crédité au générique — dans Luke la main froide (1967) de Stuart Rosenberg. Originaire du Texas, il se produit dans plusieurs séries télé des années 60, comme Bonanza, Gunsmoke et Mission : Impossible. Au cinéma, on le voit dans Le dernier bagarreur (1972) de Sam Peckinpah, Tuez Charley Varrick (1973) de Don Siegel, et surtout Mitchell (1975) d’Andrew V. McLaglen qui fait de lui une star auprès d’un public de fidèles.

Dans les années 80, il enchaîne les comédies poussives et les thrillers faiblards, avant de renouer avec des projets plus ambitieux, comme Les nerfs à vif (1991) de Martin Scorsese, où il campe le chef de la police accro au Pepto-Bismol, le téléfilm Citizen Cohn, où il interprète le sénateur Joseph McCarthy, ou encore Génération 90 (1994) de Ben Stiller, dans lequel il campe le père de Winona Ryder. On le retrouve dans trois épisodes de James Bond et dans Mars Attacks! (1997) de Tim Burton. Il est actuellement à l’affiche de Mud- Sur les rives du Mississippi de Jeff Nichols